dimanche 20 janvier 2013

Notre ciel noir de cendre

Ça se trouvait à être le chaos initial. Certains disciples hurlaient et couraient désespérément dans tous les sens, tandis que d'autres s'étaient résolus au deuil de leurs ouvrages. Une vision effrayante des flammes déchaînées mettant en cendres plus d'une cinquantaine d'oeuvres de référence et des centaines de parchemins d'enseignement. Plus aucune trace de scepticisme envers les divinités n'était autorisée. Toute remise en question de leur existence était prohibée et chaque livre devait être brûlé pour ne laisser aucune chance au scepticisme de subsister. Dans le désordre, les cris et le désespoir ambiants, Propheté s'approcha calmement de Léocarte, un jeune homme abattu parmi les autres. Il le prit par l'épaule pour l'apporter plus loin des flammes de la cour de l'établissement. Ses paroles furent brèves et effrayantes, mais profondément calmes, se voulant rassurantes. Le vieil homme avait, d'un geste rempli de responsabilité, enfoui sous la jute de Léocarte un lourd volume à la couverture champagne souillée. Son message n'aurait pas pu être plus clair: il devait protéger ce livre.

Les pas de Léocarte étaient lents et prudents et son souffle coupé à la vue des corps diplomatiques torches à la main. Le plus dur était passé. Il avait distancé la terre d'enseignement à laquelle il était tant épris. Les ravages ne s'y résumaient pas, mais voir ses proches désespérés et les oeuvres détruites de son maître Propheté étaient les pires brisures qu'il avait subies de sa vie. Le ciel était obscurci par de sombres nuages qui émergeaient de toutes parts d'Athènes. L'ordre n'était plus qu'à la destruction. Léocarte ne ressentait plus les pointes poignardantes du volume sur ses côtes. Toute sa concentration était focalisée sur les dalles de pierre qu'il suivait méticuleusement.

Les échos du centre-ville n'étaient plus que des percussions basses. La route quant à elle prit une allure plus brute et fracturée. Dépassé les quartiers défavorisés, Léocarte se trouvait aux frontières de la Cité-État. Cet endroit proposait une scène calme et fraîche. Un nombre réduit d'arbres se dressait au ciel, mais parvenait à ombrager le vaste terrain qu'ils occupaient. Ce lieu reculé se devait d'être ce qu'il était: doux et serein, pour remplir sa fonction funèbre. Léocarte savait peu de choses sur Propheté, si ce n'était que son enseignement et sa réputation vacillante. Il aurait aimé en savoir davantage sur lui, surtout en ce moment critique de son existence. Propheté lui avait remis en toute confiance l'entière responsabilité de sauvegarder de livre qui était le dernier écrit de l'humanité. Au pied de l'arbre le plus jeune du terrain, Léocarte creusa délicatement le sol. Sortant le volume de sa jute, il s'apprêtait à enfouir le livre sous terre, mais sa curiosité l'interrompit. Il se demanda que pouvait être le contenu de ce livre, l'unique écrit sauvé parmi tous les autres. C'est en ouvrant timidement le livre que la réalité regagna Léocarte. Ne sachant ni lire ni écrire, sa curiosité s'estompa. L'esclave de Propheté enfouit le livre sous terre et reprit la route.

Rebecca Lavoie, groupe Vert

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire